Le Saint du jour
Saint Andr-Hubert Fournet, fondateur des Filles de la Croix (✝ 1834)
Depuis plusieurs années je parle des la dévotion des Servites de Marie à Notre-Dame des Douleurs. Et particulièrement de la prière du Chapelet des Sept Douleurs de la Vierge Marie. C’est le 15 septembre que nous célébrons au calendrier liturgique la fête de Notre-Dame des Douleurs, Patronne principale de l’Ordre des Servites de Marie. Pour vous, fidèles lecteurs et lectrices du Journal JMNT, j’ai pensé vous offrir quelques extraits d’un document officiel, publié aux Éditons Servites et ayant pour titre: Chapelet de Notre Dame des Douleurs: Célébration de la “Compassion de la Vierge Marie”. Espérant qu’il sera vous faire aimer encore plus notre Dame, dans son vocable des Douleurs.
Introduction
Au cours des siècles sont nés dans l’Église, comme expressions de piété envers la Vierge Marie, divers “chapelets”. Le plus connu est le Rosarium beatæ Mariæ Virginis; mais très répandu est aussi la Corona beatæ Mariæ Virginis Perdolentis, c’est-à-dire le chapelet dominicain et le chapelet de notre Dame des douleurs.
En raison de la contribution importante que les frères Servites de Marie ont apporté à sa formation et de l’amour avec lequel ils l’ont transmis et répandu parmi les fidèles, le chapelet des douleurs peut être considéré comme un exercice de piété propre à l’Ordre.
Aperçu historique
Les origines du chapelet de notre Dame des douleurs ne sont pas bien connues; pourtant on peut estimer qu’elles correspondent au développement du culte de notre Dame des douleurs, au début du 17e siècle.
Formes embryonnaires
Sept « Notre Père » et Sept « Réjouis-toi, Marie »
On peut voir une forme embryonnaire de chapelet des douleurs dans le pieux exercice indulgencié par Paul V (†1621) dans le bref Cum certas unicuique du 14 février 1607. Le document pontifical accorde de nombreuses indulgences aux exercices de piété pratiqués par les confrères et consœurs des “Confraternités de sainte Marie” érigées auprès des églises des Servites. Entre autres, le Pape concède soixante jours d’indulgence à la récitation, le samedi, de sept Notre Père et de sept Réjouis-toi, Marie “en l’honneur des sept douleurs de la bienheureuse Vierge Marie”.
Il ne s’agit pas encore ici du chapelet des douleurs au sens strict, mais plusieurs de ses éléments y paraissent déjà:
- les sept Notre Père
- la référence explicite aux sept douleurs de la Vierge
- le “sept” comme chiffre-clé de l’exercice.
Cependant les sept Réjouis-toi, Marie constituant le pieux exercice indulgencié par Paul V ne sont pas encore les “sept septaines” de Réjouis-toi, Marie qui seront l’élément fondamental du chapelet de notre Dame des douleurs et lui conféreront son rythme litanique caractéristique.
Les mystères douloureux du Rosaire
On peut entrevoir une seconde forme embryonnaire du chapelet dans une sorte d’“adaptation du Rosaire” proposée par le frère Arcangelo Ballottini de Bologne (†1622), l’un des principaux artisans de l’accentuation du culte de notre Dame des douleurs dans la spiritualité de l’Ordre. Dans l’ouvrage Fonte salutifera di Gesù ornata di considerazioni, meditazioni e soliloquii divoti e affectuosi, imprimé à Venise en 1608, il exhorte les tertiaires à réciter tous les jours les mystères douloureux du Rosaire et il leur suggère de considérer avec une attention particulière la douleur causée au cœur de la Mère par la Passion de son Fils. À la fin de la récitation du “Rosaire douloureux”, “on pourra avec affection d’esprit – ajoute Ballottini – méditer la bienheureuse Vierge Mère au pied de la croix, toute pleine de douleur, portant dans ses bras son Fils mort, Jésus Christ, notre Sauveur”. Pour faciliter aux tertiaires l’usage de cette méthode, Ballottini composa sept “méditations sur les mystères sacrés de la passion de Jésus Christ et la compassion de sa Mère très compatissante, et je les ai partagées en sept points, selon le nombre de jours de la semaine, afin qu’en variant chaque jour la méditation, l’âme y goûte plus de dévotion, et le corps plus de consolation”.
L’œuvre cultuelle accomplie par Ballottini est simple et en même temps audacieuse:
- simple, car sur un schéma déjà éprouvé – le Rosaire –, il insère un élément nouveau, “servite”: la méditation explicite de la douleur de la Vierge causée par les différentes épisodes de la passion du Christ;
- audacieux, car, s’éloignant de la tradition du Rosaire, il propose la récitation quotidienne des mystères douloureux, ce qui détermine une accentuation de la contemplation de la passion du Christ aux dépens de la mémoire des mystères de joie et de gloire.
Deux éléments de la proposition de Ballottini exerceront une influence certaine sur la structuration du futur Chapelet: la méditation quotidienne des mystères douloureux (le Chapelet des douleurs deviendra lui aussi quotidien dans la pratique dévotionnelle des tertiaires servites); la structure du Rosaire (le Chapelet adoptera lui aussi cette structure, tout en remplaçant la “dizaine” de Réjouis-toi, Marie par la “septaine”).
Naissance du Chapelet
Il n’est pas exclu qu’une recherche ultérieure découvre d’autres structures qui, comme celles indiquées ici, pourraient être considérées comme des “formes embryonnaires” du Chapelet des douleurs. Cela signifierait que les temps sont mûrs pour la naissance du Chapelet des douleurs: on peut supposer que cet exercice de piété est apparu quand on a appliqué la “structure du Rosaire” à la coutume déjà introduite de méditer quotidiennement les sept douleurs de la Vierge. Cependant, dans l’état actuel des études, il est impossible d’établir avec précision qui en fut l’auteur, ni en quelle année et en quel lieu le Chapelet a reçu sa structure classique ou forma recepta.
En 1617, le frère Arcangelo Ballottini cité plus haut publie à Bologne la Pratica di recitare la corona della beatissima Vergine Maria dont malheureusement on ne possède jusqu’à présent aucun exemplaire; deux ans plus tard, en 1619, Ballottini fait imprimer un Discorso sopra la corona dei sette dolori che sostenne la beata Vergine Maria nella passione e morte del suo dilettissimo figliuolo e salvator nostræ Giesù Christo; l’année précédente, en 1618, le frère Gregorio Alasia De Sommariva del Bosco (†1626) avait publié à Rome la Corona septem dolorum beatæ Mariæ Virginis, figurata, elle aussi perdue.
Une note de Carlo Vincenzo Maria Pedini dans son Istoria del convento di Bologna nous documente sur les premiers pas et le succès du Chapelet des douleurs dans la célèbre église de Bologne de sainte Marie des Servites: L’an 1640, par ordre du Révérendissime Père général Angelo M. Berardi de Pérouse, le dimanche de la Passion on commença à faire réciter publiquement dans l’église, et par tout le peuple à tour de rôle, le Chapelet des sept douleurs devant la sainte image de la Vierge douloureuse, dévotion qui ensuite s’est toujours poursuivie tous les dimanches et jours de fête après les Vêpres, avec un religieux député à cela. Cet exercice, avec la manière de le faire, fut imprimé à Bologne étant prieur. D’ici cette dévotion s’est répandue en de nombreuses églises de notre province et de l’Ordre.
En 1645, à son tour vit le jour à Todi le volume Tesoro delle grandezze spirituali della santissima Compagnia dell’abito dei Servi di Maria Vergine in memoria dei sette dolori patiti da lei ... con un breve modo di recitarli, composé par le frère Filippo Dragoni de Lucignano di Val di Chiana.
La liste précédente ne prétend pas être exhaustive, elle vise simplement à mentionner les premiers témoignages de l’existence du Chapelet; ceux-ci permettent de fixer aux alentours de 1617 la date de la naissance du Chapelet de notre Dame des douleurs et d’en constater la rapide diffusion à l’intérieur de l’Ordre.
Les témoignages historiques nous montrent que le Chapelet n’est pas apparu comme un pieux exercice extra-temporel ou étranger à la vie de l’Ordre, mais comme expression cultuelle d’une spiritualité mariale très répandue parmi les frères Serviteurs de Marie à la fin du 16e et au début du 17e siècle. Toutefois, il n’a pas été composé en premier ressort pour alimenter la vie spirituelle des frères, mais comme “exercice spirituel” destiné à nourrir la dévotion des laïcs à la “Compagnie de l’habit”.
…
Chapelet du Rosaire et Chapelet des douleurs
On sait qu’il fut un temps où existait dans l’Ordre une certaine tension entre le Chapelet du Rosaire, particulièrement par les Souverains Pontifes, et le Chapelet de notre Dame des douleurs, aimé comme patrimoine spécial de l’Ordre, et que cette tension fut résolue, sous le pontificat de Léon XIII (†1903), en faveur, pour ainsi dire, du Chapelet des douleurs.
À notre époque, la recommandation du Souverain Pontife en faveur de la récitation du Rosaire demeure. Dans le Code de Droit canonique promulgué le 25 janvier 1983 par Jean-Paul II, on indique que les religieux "honoreront d’un culte spécial la Vierge Mère de Dieu, modèle et protectrice de toute vie consacrée, notamment par le Rosaire". Toutefois, le rapport entre les deux Chapelets est ressenti par les frères et sœurs servites en termes non d’opposition, mais de complémentarité. On peut donc énoncer le principe suivant: quand on voudra réciter un Chapelet de la Vierge Marie, on choisira, compte tenu des données de la tradition et de la composition de l’assemblée, celui dont les contenus correspondent le mieux au temps liturgique ou à la liturgie du jour.
Reste cependant toujours valable la concession faite à l’Ordre par Léon XIII, selon laquelle les Serviteurs et les Servantes de Marie peuvent remplacer la récitation du Rosaire, éventuellement prescrite, par celle du Chapelet des douleurs.
Texte original: Corona dell’Addolorata. Celebrazione della “Compassio Virginis” = Mariale Servorum 6 (Curia generalis OSM, Romæ 1986).
Traduction et adaptation française par le CFPLS, Éditions Servites, 1992.
Vous aimeriez vous procurer un chapelet de Notre Dame des Douleurs (voir l’annonce en page 19), un dépliant sur le chapelet de Notre Dame des Douleurs (0.35 $ / unité) ou encore, un livre de prières servites pour 16.00 $ (Litanies, Vigiles à Notre-Dame, petits textes sur la vie de saints servites et une prière, Neuvaines, prières et historiques des dévotions mariales) communiquez avec la Boutique de Jésus Marie et Notre Temps : (514) 271-7731.
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